Les musées des Faux-Arts

Une copiste au Louvre reproduisant une fresque de Botticelli.
Légalement  une copie de musée doit être de taille  supérieure ou inférieure de 1/5 de la hauteur et de la largeur de l'original.  
Vue intérieure de L'Architectural Museum à Westminster
La cour égyptienne du Crystal Palace
Cast Courts au V&A. Le portail du stupa de Sanchi
Le musée des copies du Palais de l'Industrie eu peu de succès (caricature de l'Illustration)
Le musée de sculpture comparée, voulu par Viollet le Duc,  présentait vers 1910  des moulages  des sculptures européennes depuis le haut moyen age jusqu'à l'époque "moderne"
Fragment du départ des volontaires de Rude.
La cour vitrée des Beaux-Arts avant le vandalisme de 1968.
Si il y là 3 colonnes du Parthénon c'est à Nashville que l'on bâtira en 1897 une reproduction intégrale.
Le  musée Indochinois de Delaporte présentait au Trocadéro un mélange d'originaux et de copies.
 Moulage d'une  tour du Bayon 
Une exposition de copies n'est bonne qu'à intéresser les enfants.
En Occident une copie est considérée comme un faux.

 Il n’en était pas de même dans la Chine ancienne ou au contraire la copie des anciens maîtres était un hommage qui leur était rendu. Ceci s’explique probablement par l’absence de marché de l’art  car le peintre, le critique et le collectionneur étaient confondus et la transmission d’œuvres d’art ne se faisait guère que par des « cadeaux ». Nous devons à la pratique de la copie de connaitre les peintures de la chine des premiers temps alors que les originaux ont disparu (il en est largement de même pour la statuaire grecque) (1)
De nos jours la copie est méprisée par tous les spécialistes (il est remarquable que pour un art créé sur une technique de diffusion comme la photographie on vende des tirages « originaux »)

La copie est seulement admise dans un but pédagogique ou pour la distraction des masses.

Au début du XIX e siècle tout le monde ne pouvait entreprendre son « voyage en Italie » alors que l'art était principalement considéré comme une continuation de l'Antiquité et de la Renaissance. Toutes les écoles d’art eurent donc leur collection de plâtres et de copie de peintures ( Royal Academy, Berlin, Beaux-Arts).
Par exemple à Paris Duban construit l'école des Beaux-Arts en réutilisant des éléments du musée des monuments français de Lenoir. Le "musée des études" devient indépendant de l'école en 1836. Ses restes sont toujours visibles aujourd'hui  dans le cloître du mûrier et dans le jardin (éléments d'architecture), dans l'église (sculptures) ou dans la salle Melpoméne (peintures). Les plâtres copies d'antiques de la cour vitrée ont été en partie cassés en 1968, les subsistants sont  stockés à Versailles ( voir l’article consacré aux collections des  Beaux-Arts).

Le XIX e siècle  sera aussi  celui des musées, plus de six cents seront créés dans toutes les villes de France.
Il y a au début deux courants opposés:
  • Les critiques et "vrais" amateurs d'art qui ne tolèrent que les originaux,
  • Les "éducateurs" qui trouvent que les copies permettent l'accès à l'art à un large public.
Les tenants de "l'original à tout prix"  font une  exception  pour les copies très anciennes, telles les copies romaines d'originaux grecs ou les bronzes d'après l'antique de Fontainebleau commandés par François 1er au Primatice. Ces bons apôtres passent pudiquement sous silence le développement du marché de l'art. Ce marché amène d’ailleurs l'éclosion de faux dont le plus célèbre est la  tiare de Saïtapharnes achetée par le Louvre (2).

Les "éducateurs" sont portés par la tendance générale du siècle à "l’encyclopédisme" qui pousse les créateurs des modestes nouveaux musées de province à "compléter" leurs collections par des copies.

Assez vite ce sera le premier courant qui triomphera en imposant d'abord la séparation entre musée d'originaux et de copies (3) et ensuite en marginalisant ces derniers.

Les musées de moulages apparurent d’abord en Angleterre ( Architectural MuseumSloane et Cottingham), puis en France avec le musée de la sculpture comparée -rêvé par Viollet le Duc- et le musée Indochinois de Delaporte. Le musée du Trocadéro a survécu ainsi que les Cast Courts du Victoria & Albert mais beaucoup de moulages ont disparus (le Métropolitan Museum of Art a vendu ses plâtres en 2006).

Le plus notable musée de copies fut le musée du Crystal Palace - reconstruit à Siddenham - ou une série de cours faisait revivre l’ambiance de l’Egypte, de la Grèce, de Rome, de Pompéi, de l’Alhambra, de la Renaissance, de la Chine…. Ce musée aurait intéressé un  public populaire si l'entrée avait été moins coûteuse et surtout s'il avait été ouvert le dimanche -seul jour de repos- ce que refusait les ligues anglicanes. Il disparut définitivement à la suite d'un incendie en 1936.

En France il y eut au Palais de l'Industrie un "musée des copies" ouvert en 1873 par Charles Blanc (directeur de l'école des Beaux arts). "Ce musée universel... renferment des copies excellentes , des moulages parfaits et des épreuves de choix de tout ce qu'il y a de beau dans le monde entier" . Le musée comportait 9 salles du pavillon Ouest et comprenait 157 tableaux.  La critique se déchaîna dénonçant  la qualité des copies, accusant de vouloir tromper le public, pervertir le gout. (4) .... Le musée, privé du public "averti" et en l'absence de public populaire, du fermer rapidement.

A côté de ces musées, soutenus par une étroite frange de spécialistes et de professeurs, il y a les expositions grand public qui sont plus ou moins les descendantes des « curiosités » des grandes expositions universelles du XIX e siècle.
Une exposition grand public contemporaine est celle présentant la reproduction complète du tombeau de Toutankhamon. Au contraire des expositions sur Toutankhamon se déroulant dans les galeries nationales avec inaugurations par les ministres de la culture, celle-ci fut considérée comme une « attraction » tout juste digne du parc des expositions de la porte de Versailles.

Il y a maintenant un nouveau problème car l’évolution des techniques rend la copie très aisée (y compris en 3D) : il n’y a donc potentiellement pas besoin d’endroit dédié aux copies. Paradoxalement la pratique montre que le débordement de technologie actuel est en fait défavorable à la conservation. Des preuves me semblent être que l’internet est sans mémoire et que nos vieilles photos argentiques et nos films super 8 sont moins périssables que les supports informatiques. Une bonne précaution me semblerait donc de maintenir des lieux dédiés aux copies physiques (5)
  1. Les oeuvre du IV e siècle du père de la peinture chinoise sur rouleau, Gu Kaizhi , ne sont connues que grâce aux copies.
    Les riches romains ont eu la bonne idée de décorer leurs villas de copies des statues de maîtres grecs
  2. Le  musée de Berlin avait lui acquis la prétendue collection Shapira d'objets moabites. Tout cela fait beaucoup rire à l'époque et Maurice Leblanc fait retrouver "l'original" de la tiare de Saïtapharnes par Lupin dans l'aiguille creuse.
    Les histoires de faux se sont multipliées au XX e siècle. Parmi elles  signalons les faux Vermeer de Van Meegeren ou celle de  la galerie Knoedler, la plus ancienne de New York, "fermée" en 2011.
    Les faux modernes d’œuvres anciennes ne posent pas de problème philosophique: il est normal, vu les progrès divers, que l'on puisse faire des œuvres "à la manière de"  que les experts ne puissent distinguer des originaux et que seule une enquête policière peut démasquer. Les faux modernes d’œuvres modernes  posent un vrai problème: s'il est possible de faire des œuvres "à la manière de" que les experts ne peuvent distinguer de la production originale, alors en quoi l'artiste concerné est il vraiment "original" dans son époque?  L'authentification d'une œuvres moderne ne repose pas du tout sur  sa qualité esthétique mais sur des banques de données détaillant la production de l'artiste ( tenues le plus souvent par des "fondations").
  3. Le dernier musée Français qui mélangeait originaux et copies fut le musée Indochinois de Delaporte du Trocadéro qui montrait aussi bien un moulage d'une tour du Bayon que l'original de la  rambarde du temple de Preah Khan. Cette exception disparut en 1925 par le transfert des originaux à Guimet et le "stockage" des moulages. Le musée Vivenel de Compiègne comportait, dans l'esprit de son créateur, une partie " musée des études" avec des centaines de plâtres et des maquettes de monuments. Le musée existe toujours mais sa partie "études" est "stockée". 
  4. Les critiques du XIX e siècle trouvaient que l'argent de l'Etat serait mieux utilisé à "soutenir la création" (c'est à dire aux achats de l'Etat à chaque Salon  (qui partageait d'ailleurs le Palais de l'Industrie avec le nouveau musée)). Les critiques du XX e siècle utilisent un argument "progressiste": montrer de copies d’œuvres anciennes empêche le public de comprendre l'art contemporain censé être en rupture avec le passé. L'exposition "seconde main" au musée d'art moderne de la ville de Paris en 2010 présentant des copies d’œuvres modernes suscita un beau tollé. Libération titrait alors "musée des faux arts".
  5. Pour l'instant le seul art ou la copie physique est jugée utile  est l'art préhistorique ( Lascaux II)

Sites et références